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le travail des noirs
10 mars 2007

BLANCHETTE

Ravensbrück

C’est la seule femme noire déportée  durant la Seconde Guerre mondiale dans un camp de concentration, dont on connaisse un peu l’histoire. Elle vivait en France au moment de la guerre. Où? Personne ne l’a jamais su, pas plus que son nom.

Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’elle a été déportée en février 1944 au camp de concentration de Ravensbrück au nord de l’Allemagne.

Une déportée parisienne, Renée Hautecoeur, qui faisait partie du même convoi qu’elle, se souvient :

«  Notre convoi est arrivé le 3 février. Nous étions un millier de femmes. Ca a été le plus gros convoi de femmes. Nous venions de toutes les prisons de France.

Et au milieu de toute cette foule, il y avait exceptionnellement une femme noire. Elle devait avoir dans les trente-cinq ans. Elle me paraissait assez flétrie, assez fatiguée, le visage marqué.

Où avait elle été incarcérée ? Je ne le sais pas. Mais certainement les allemands ne ses ont pas gênés pour la maltraiter du fait qu’elle était noire. »

Le voyage est long et pénible. A l’arrivée à Ravensbrück, c’est le choc. Une angoisse terrible, résumée en quelques mots par une déportée espagnole, Neus Catala i Palleja.

«  Ma première impression était que j’allais rapidement y laisser ma peau. Ravensbrück avec ses rues sombres, ses baraquement d’un vert noirâtre, ses toits noirs, son ciel de plomb, ses innombrables corbeaux attirés par l’odeur de chair brûlée, de ses cadavres suppliciés qui, jour et nuit, sans interruption, s’échappaient dans une épaisse fumée par la cheminée des quatre fours crématoires. »

C’est dans cet enfer que débarque la jeune femme noire. Terrorisée, elle se renferme sur elle-même jour après jour, ne parvenant pas a nouer de contact avec les autres déportées, au point que certaines d’entre elles finiront par lui affubler un surnom peu honorable.

«  Est-ce parce qu’elles n’avaient pas bien compris son nom, toujours est-il que les camarades qui étaient dans le mêle bloc qu’elle l’avaient surnommée Blanchette. Certainement pas par dérision, mais plutôt amicalement. Car il n’était pas question de se moquer d’une camarade qui avait les mêmes problèmes que nous. »

Et René Hautecoeur d’ajouter : «  Nous avions tous la curiosité de savoir qui était cette femme. Avait-elle été employée de maison ? Je me suis posé la question parce qu’il y avait beaucoup de nobles dans notre convoi. Mais elle ne répondait pas. Elle était assez renfermée. Certainement qu’elle était traumatisée de se retrouver là. Elle disait tout le temps : j’ai froid, j’ai froid. C’est tout ce qu’on pouvait en tirer. »

Le froid, la faim, les travaux forcés, les journées de cette mystérieuse déportée noire à Ravensbrück s’égrènent comme un interminable calvaire.

« Elle faisait les même travaux que nous, précise Renée Hautecoeur. Les Allemands ne faisaient pas de différence. Les mêmes travaux c’était dessoucher, assécher les marais, rouler les grandes roues de pierre pour écraser le mâchefer. »

Renée Hautecoeur suivra mois après mois la descente aux enfers de cette jeune femme. Mais engoncée dans ses propres souffrances elle finit par la perdre de vue. Quand ? Elle ne se souvient plus.

«  A mon avis, dit-elle, cette femme noire n’a pas survécu longtemps. Au début on ne gazait pas systématiquement à Ravensbrück. Mais le froid, la faim, les mauvais traitements étaient suffisants pour faire mourir quelqu’un. Et elle, c’est certain, elle n’était par armée pour supporter la misère du camp. »

Le 28 avril 1945, Ravensbrück est libéré. Mais le bilan est terrible. Sur les deux cent mille déportés passés par le camp, la moitié a trouvé la mort. La femme, noire en faisait-elle partie ? On ne le saura jamais.

Des femmes de Ravensbrück.

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