Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
le travail des noirs
10 mars 2007

L'Equato-Guinée de Mauthausen

                Le camp de Mauthausen.

Franquistes contre républicains. Les premiers appuyés par Allemagne et l'Italie, les seconds par l'URSS et des volontaires des brigades internationales. La guerre d'Espagne aura servi de répétition générale au deuxième conflit mondial. Une guerre civile qui a fait en trois ans pas moins de cinq cent mille morts et jeté des centaines de milliers de civils et de soldats républicains sur les routes de l'exode.

Franchissant les Pyrénées dès janvier 1939, ils se réfugient pour le plupart en France, où ils sont parqués comme des prisonniers dans des camps sommaires, construits à la hâte pour faire face à ce déferlement imprévu et ininterrompu. Une captivité de courte durée car, avec la grande guerre qui se profile à l'horizon, Paris a besoin de soldats.

En février, les premiers Espagnols sont libérés, et le mouvement ira en s'accélérant les mois suivants. Beaucoup  d'entre eux, impatients d'en découdre avec les alliés allemands de Franco, s'enrôlent dans l'armée française.

            Carlos Greykey

Dans ce flots de réfugiés qui prennent ou retrouvent les armes, un homme détonne. Il s'appelle Carlos Greykey. Il détonne qu'il est l'un des rares Noirs à avoir combattu dans l'armée républicaine, et l'un des rares Africains à vivre en Espagne à cette époque.

Carlos Greykey, qui parle le catalan parfaitement, est né et a grandi à Barcelone, où s'étaient installés ses parents originaires de Fernando Poo, une île située au large de la Guinée équatoriale, l'ancienne colonie espagnole.

Fuyant lui aussi l'Espagne après la défaite républicaine, Greykey se retrouve en France, où il reprend du service. Capturé sur la ligne de front, il est déporté en Autriche dans le camp de concentration de Mauthausen, où les Allemands s'acharneront à l'humilier comme en témoigne un survivant espagnol.

<< Les Allemands n'avaient pas l'habitude de voir des gens de couleur, raconte Juan de Diego. Ils ont donc habillé Carlos avec un costume de la garde royale yougoslave, un costume rouge, pour faire de lui une sorte de groom comme on en voit dans les hôtels. Un groom pour leur ouvrir la porte et pour les servir à table.>>

Il y avait à Mauthausen d'autres Noirs. Mais, eux,  contrairement à Carlos, venaient de pays comme la France, l'Angleterre, les Etats Unis, où l'on était habitué à leur présence, qu'elle fût acceptée ou non.

On notera au passage que malgré la ségrégation encore en vigueur aux Etat-Unis, le gouvernement américain consentira à enrôler des Noirs pour qu'ils aillent verser leur sang sur les champs de bataille européens au nom d'une liberté qui leur était refusée chez eux !

Un de ces soldats noirs américains, la marin Lionel Romney, capturé en juin 1940 par les Italiens, faisait partie des déportés de Mauthausen.

Pour Carlos Greykey, les choses sont différentes. Ses compatriotes espagnols, frères d'armes républicains et prisonniers comme lui, n'avaient pour la plupart jamais  vu d'Africains de leur vie !

<<  A l'époque de la république, souligne Juan de Diego, nous ne connaissons effectivement pas beaucoup de gens de couleur. Mais ce qui est extraordinaire,c'est que tout en découvrant cette nouveauté-là, dans le camps, on ne voyait pas Carlos comme un Noirs.

L'intégration était tellement belle qu'on le considérait comme un des nôtres. C'est dire  qu'il n'y avait pas de racisme ! Absolument pas. Je suis formel. On n'avait pas le temps pour ca.

Dans le camp il y avait en fait une solidarité extraordinaire. On n'avait pas le temps de penser à nos différences. On ne voulait pas y penser. On n'avait pas le temps a nos mauvais comportement d'avant.

On était guéri de tout ça, guéri d'une éducation fausse. >>

Mais  la solidarité entre Espagnols ne réussira pas à renvoyer l'hécatombe. Sur les dix mille déportés républicains, seuls deux mille survivront à l'enfer de Mauthausen. Un enfer d'autant plus terrible pour Carlos Greykey que les Allemands ne tardent pas, après l'avoir asservi, à le prendre en grippe.

<< Les SS se sont bien amusés avec lui, mais ils ont fini par se lasser et Carlos a commencé à tomber en disgrâce et à rencontrer de sérieuses difficultés.

Les Allemands ne voulait même plus qu'il touche leurs affaires, ni même qu'il les serve a table. On a vraiment craint le pire.

La chance, c'est que nous, les Espagnols, nous étions nombreux, et nous avions une position importante dans le camp. Et comme, pour nous, Carlos était un Espagnol comme nous et que nous l'aimions beaucoup, nous avons eu à coeur de l'aider et de le sauver.

Et c'est ce que nous avons fait. Nous l'avons aidé et nous l'avons sauvé. >>

Le 7 mai 1945, le camp de Mauthausen est libéré par les Américains. Carlos Greykey  rentre chez lui en Espagne.

                        

Un américain parlant avec des déportés de Mauthausen. 

Publicité
Publicité
Commentaires
le travail des noirs
Publicité
Publicité